Comment être imparfait ?




Comment être imparfait ?


       Même si l'on sait bien, intellectuellement, que « l’erreur est humaine », que « nul n’est parfait », il n’empêche que dans la vie quotidienne il est assez désagréable d’être confronté à nos lacunes, nos insuffisances, nos maladresses. 
Parfois on est vexé, c’est plutôt l’amour-propre qui est touché, et parfois on est douloureusement blessé, et ça vient réveiller ce qu’on appelle les failles narcissiques, toutes ces blessures reçues depuis l’enfance qui nous font douter de notre valeur, de notre légitimité.
Alors comment vivre au mieux avec nos imperfections ? 
      Et donc échapper à ce que l’on pourrait appeler : la tyrannie de l’Idéal. 
Depuis tout petit, on se fait une idée de ce que l’on devrait être, de ce que notre vie devrait être, de ce que le monde devrait être, etc… etc…
Jusqu’à un certain point, c’est plutôt une bonne chose. Avoir un idéal que l’on cherche à atteindre se révèle extrêmement moteur pour accomplir toutes sortes de choses et se dépasser soi-même : j’aimerais bien ressembler à… , ce serait bien si j’arrivais à….
Mais jusqu’à un certain point seulement. Parce qu’ au-delà d’un certain point cela devient une contrainte terrible, pour deux raisons principales :
Lorsque cet Idéal est beaucoup trop éloigné de la réalité. Par exemple je viens de démarrer les cours de piano, et je ne me sentirai reconnue que lorsque je ferai des concerts en virtuose devant des centaines de personnes. Mais alors cet apprentissage du piano ne sera plus que source de frustration, de déception, d’amertume.. jusqu’à ce que j’atteigne mon idéal, si je l’atteins un jour. Et j’y aurai perdu toute source de satisfaction.
Parce qu’alors va se mettre en place un juge implacable, qui sans arrêt va me rappeler que je ne suis pas à la hauteur, et ainsi faire le lit du Bourreau, du Saboteur. 
Autre exemple : avec mes enfants, j’espère être une mère idéale, une mère parfaite (sans doute celle que j’aurais aimé avoir, d’ailleurs). Mais cet espoir va être mis à mal chaque fois que quelque chose va me renvoyer l’image d’une mère imparfaite.
  • Que ce soit mon bébé qui pleure sans que j’arrive à savoir pourquoi, et surtout sans que j’arrive à le faire taire (très fréquent avec les jeunes parents, qui pensent que si leur bébé pleure c’est qu’ils ne s’en occupent pas bien).
  • Ou bien les conflits au moment de l’adolescence, qui pourtant sont structurants pour l’adolescent, mais fragilisent souvent l’image de soi des parents.
  • Ou bien encore les « échecs » attribués aux enfants dans divers domaines : travail scolaire, sport, activités diverses. Avec de nouveau cette croyance que s’il ne réussit pas c’est que j’ai raté quelque chose dans son éducation.
Et cette image de soi imparfaite est vécue de façon d’autant plus douloureuse que la plupart du temps l’Idéal sert à masquer une faille, une blessure, un sentiment de manque, d’inadéquation, de ne pas être à la hauteur. 
Et donc un sentiment de ne pas être aimé. 
L’enfant traverse toujours des moments au cours desquels il ne se sent pas aimé, pas suffisamment aimé. Et il imagine toujours que s’il n’est pas aimé, c’est qu’il n’est pas aimable, qu’il a fait quelque chose de mal, qu’il n’est pas assez gentil, pas assez bon élève, pas assez intelligent, pas assez beau, pas assez grand, etc… etc….
Et donc, s’il était plus sage, plus gentil, s’il avait de meilleures notes, s’il réussissait mieux en sports, etc… il serait enfin aimé.
Surtout si cette sensation est renforcée par des messages d’amour conditionnel de la part de ses parents : si tu faisais ça, tu serais un gentil garçon, une gentille fille, Maman/Papa t’aimerait beaucoup. 
Parce que ne pas se sentir aimé, pour un enfant, c’est un cataclysme, c’est sombrer dans un gouffre  sans fond, un abîme de désespoir, de néant.
Et en fait, ce qui se passe, c’est que chaque imperfection, chaque erreur, chaque lacune, nous ramène à ce sentiment de ne pas être à la hauteur de ce qu’attendent nos parents, de ne pas être aimés, et nous replonge chaque fois dans cette détresse absolue. 
  
On peut d'ailleurs en avoir un aperçu  au cours des relations amoureuses. 
Je suis aimée, je suis la reine du monde, tout est possible
Je ne suis pas/plus aimée, tout s'effondre, j'erre comme une âme en peine, la vie ne vaut même plus la peine d'être vécue. 

Nous voici donc condamnées à être parfaites, Idéales. 
Avec la chute inévitable, chaque fois que la réalité nous rattrape. 



       Alors, comment accompagner les chutes ? 
Les petites désillusions du quotidien étant inévitables, comment les gérer ? 


Premièrement, tomber de moins haut
C'est-à-dire : d'un Idéal trop élevé, revenir à des objectifs plus réalistes, progressifs, mesurables, atteignables. 
Est-ce que j'ai vraiment besoin de devenir virtuose et d'être applaudie par des milliers de gens pour avoir plaisir à jouer du piano ? 
Est-ce que j'ai vraiment besoin d'être une mère irréprochable pour que mes enfants m'aiment ? 

Il peut également être intéressant de voir quels sont les enjeux qui se profilent derrière ces exigences : qu'est-ce que je veux prouver, et à qui ? par exemple. 

Deuxièmement,  amortir les chutes
Il peut être utile de décomposer les choses, de les circonscrire : j'ai fait une erreur dans tel ou tel domaine, une partie de moi est blessée, souffrante, peut-être même effondrée. 
Mais dans d'autres domaines, tout va bien, et d'autres parties de moi vont bien. 
Cet "échec" n'engage pas tout mon être dans sa globalité, ça ne remet pas en question ma valeur en tant que personne. Il y a une grande différence entre : "je suis mauvais", et "j'ai fait une erreur". 

Ce qui peut être efficace également c'est de se donner un temps déterminé, 5 ou 10 minutes (minutés précisément) pour se laisser aller aux ruminations, aux critiques, voire au désespoir, à tout ce qui va mal. Et puis une fois les 5 ou les 10 minutes écoulées (selon ce que l'on aura décidé à l'avance),  stop, on arrête. Terminé pour la journée. Lorsque ces pensées reviennent, on pourra leur donner rendez-vous pour le lendemain. Ce n'est plus l'heure. Cela évite de ressasser inlassablement les mêmes travers tout au long de la journée. 

Enfin, pour terminer, appeler le SAMU
Métaphoriquement parlant, bien entendu. 
Lorsqu'on va mal, c'est l'enfant en nous qui est atteint, qui est blessé, qui a mal. 
Il s'agit donc de développer à l'intérieur de soi un Bon Parent, qui va pouvoir calmer, rassurer, réconforter ce petit : "C'est vraiment difficile ce que tu vis là, mon pauvre chéri". L'assurer de son amour inconditionnel : "comme tu es c'est bien", "tu as fait une erreur, mais tu as fait ce que tu as pu, ce n'est pas grave, ça ne fait pas de toi une mauvaise personne". 



    
 En conclusion, comment être imparfait ? (libre et heureux, comme dirait Christophe André )
  • En étant moins exigeant, en mettant la barre moins haut
  • En étant plus bienveillant envers soi-même
  • Et en relativisant. 

Comme je suis c'est bien. 
Je ne suis pas parfait, mais je ne suis pas complètement nul non plus.

Commentaires

  1. Bonjour Valérie,
    Dans mon accompagnement de coach, je parle "d'action inspirantes imparfaites" dans le cadre de la confiance en soi. Il me semble que nos aspirations du Sois Parfait nous emmènent soit dans l'immobilité la plus complète : je ne fais rien tant que je ne suis pas certaine que cela sera parfait; soit je me désespère, me flagelle et mon saboteur s'en donne à coeur joie. En comprenant le principe qu'il faut poser des actions et que ces actions seront forcément imparfaites, je me dédouane d'un objectif inatteignable. Ensuite en comprenant que chaque action inspire la suivante, je me mets dans une spirale vertueuse, sans obligation de résultat, juste de faire une action.
    J'aime ce concept des AII : Actions Inspirantes Imparfaites.
    Claudine Toussaint

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire