A propos du manque...

     Je me promenais hier dans les rayons d'un grand magasin "culturel", et j'étais étonnée par l'abondance de livres sur le développement personnel, la spiritualité, et de cahiers d'exercices en tous genre. Même si d'une certaine façon je m'en réjouis, en même temps je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi un tel attrait.
    En regardant de plus près les titres des ouvrages, je me suis aperçue que ça tournait beaucoup autour de : comment avoir une vie meilleure, plus intéressante, plus épanouissante, avec plus d'argent, plus d'amour, etc...

     Et de fil en aiguille je me suis demandée si tout ça ne venait pas en réalité parler du manque. Et de la difficulté de faire avec dans nos vies, qui nous pousse à toujours vouloir quelque chose de plus, de nouveau, dans l'espoir de combler ce vide insupportable.

  
     Manque d'argent. Pas seulement la frustration de ne pas pouvoir s'offrir un vêtement à la mode ou le gadget dernier cri. Mais la certitude implacable que la fin du mois est encore loin et qu'il faut encore payer la facture d'électricité, la cantine des enfants, les courses de la semaine, et qu'on ne va jamais y arriver. La peur au ventre, les tripes nouées, déchirées.


     Manque d'amour. Personne qui vous aime. Personne à aimer, non plus. L'être aimé au loin, sans nous, la place froide dans le lit, un seul couvert à table, et il n'y a plus qu'à attendre, figé, son retour,  pour que la vie puisse reprendre. Ou encore seul, sans amour, et on sait qu'on est en train de crever de ce trop-plein de solitude, d'isolement, mais il n'y a rien à faire. A l'intérieur c'est un tel gouffre que ça fait peur. A soi. Aux autres.

Alors on s'active, on cherche des solutions, n'importe quoi, pour ne plus ressentir ça.
Ou alors on se laisse couler, happé par ce vertige.

 Mais en fait peut-être y a-t-il une troisième voie, une voie du milieu.

Apprivoiser ce vide, ce manque. 
Le regarder en face au lieu de le fuir, et pouvoir lui dire :
D'accord, je sais que tu es là. 
Je vois à quel point tu es douloureux, à quel point tu m'es insupportable. 
Né de toutes les frustrations trop précoces, de toutes les défaillances d'un environnement mal adapté qui m'a laissé seul trop souvent, de toutes les effractions trop violentes pour mon psychisme immature. 

Mais tu n'es pas moi et je ne suis pas toi.
Et j'apprends à ne plus avoir peur de toi.
A ne plus me laisser dominer par toi.
 
 Je t'apprivoise.
Et pour commencer, comme le renard l'enseigne au Petit Prince,
Je te regarde.



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